Un taxi pour Tobrouk
Comment résoudre une vieille énigme 3
Dans ce convoi, l'un des camions pourrait être un OM Taurus N (N pour Naphta qui veut dire diesel en italien). OM est une très ancienne marque italienne fondée en 1917 à Brescia et qui est le sigle d’un curieux nom : Officine Meccaniche (Office Mécanique). Son destin devait être de disparaître, absorbé par Fiat. Les autres véhicules mis en scène sont difficiles à identifier et quiconque aura une clé sera bienvenu à compléter cet article ! Certains camions ont probablement subi des transformations comme la pose d'une cabine civile, souvent artisanale. Le seul véhicule authentique semble donc être l'Austin K3 dans le convoi allemand (au diable la vraisemblance historique !).
Profitons de la circonstance pour rappeler que tous les noms italiens connus ont produit des camions durant la guerre. Alfa-Romeo, qui est fondé en 1910 à Milan, en Lombardie, et dont le nom proclame haut et fort l’ambition de la maison : alpha est bien la première lettre de l’alphabet, aussi l’acronyme est-il un modèle du genre puisqu’Alfa veut dire « Anonima Lombarda Fabbrica Automobili ». Ce n’est qu’après que Nicola Romeo eût racheté l’entreprise que le nom devint celui qu’on connaît à ce jour.
Lancia construisit aussi des camions. C’est une très vieille maison qui débutat en 1906 quand Vincenzo Lancia, fils d’un richissime fabricant de soupe, créa son usine après avoir travaillé chez Fiat. Fiat justement, qu’on voit souvent apparaître sous le vocable Fiat-SPA lorsqu’il s’agit de camions anciens et qui produisit bien sûr énormément de matériel au profit de l’Axe. Chacun sait que Fiat c’est « Fabrique Industrielle Automobile de Turin ». Mais SPA ? Il s’agit tout simplement de « Societa per azioni », ou « Société Par Actions », une division industrielle de Fiat donc, avec un statut juridique particulier. D’autres tels qu’Autobianchi et Isotta-Frachini ont aussi participé à cet effort de guerre italien.
Pour certains camions aperçus dans le film, personne n’est encore parvenu à y mettre des noms : lançons donc le défi !..
Notre taxi a donc enfin trouvé une identité. Qu'est-il advenu de ce véhicule ? On aimerait le savoir. On se dit à cette occasion qu'il est vraiment dommage que personne n'ait songé à collectionner tous les véhicules célèbres du cinéma pour en faire un musée. Chacun en est donc réduit à avoir son propre musée imaginaire en tête : nous visitons ainsi souvent, comme vous, celui qui expose dans des dioramas bien faits les camions du Salaire de la peur, de Taxi pour Tobrouk, de Gas Oil ou encore de 100000$ au soleil... C'est un musée anachronique car gratuit, mais pourtant dans l'air du temps puisque virtuel.
Le film finit de manière tragique, une belle M8 tirant sur le malheureux taxi à bord duquel sont restés la plupart des compères. La portée philosophique de cette fin abrupte n’échappe à personne. Les toutes dernières images montrent le seul survivant du petit groupe, perdu rêveur dans la foule du défilé du 14 Juillet, occasion de voir des chars Sherman, M24 Chaffee et AMX 13. Rideau.
Pierre Phliponeau
