Un départ difficile
Rendez vous est pris quelques jours avant le départ. Oh! Surprise, le De Dion qui doit partir dans 8 jours est entièrement démonté. Dominique a souhaité le repeindre pour faire honneur à nos amis anglais!!! Les freins sont à même le
sol, le pont arrière à peine remis en place et, beaucoup plus ennuyeux, le radiateur Solex, tombé de l'élévateur lors
du démontage, est fendu !
Alfred est catastrophé : "nous ne partirons jamais ! ". Dominique est plus serein : "Il reste une semaine". Jour et
nuit l'équipe s'acharne et comme attendu, le camion n'est pas fini le mercredi suivant. Un petit espoir est pour le
lendemain, mais il faudra attendre jusqu'au samedi pour voir la masse du De Dion s'ébranler en direction de Carquefou.
Un trajet de 15 kilomètres qui devient vite une véritable épopée... 3 heures de route, de multiples arrêts, 20 litres
d'essence et près de 50 litres d'eau. Dominique descend en marche et en profite pour marcher à côté de son camion pour
essayer de diagnostiquer le problème. A ce rythme là, l'Angleterre est bien loin… Le moral des troupes est au plus bas. D'autant plus que le départ est prévu le lendemain matin. Objectif "Londres"!
L'humidité de la nuit aidant, le lendemain matin, sa majesté De Dion refuse de démarrer. Alfred retrousse ses manches
et fini par diagnostiquer un problème de magnéto. Changement nécessitant quelque adaptation, 4 bougies neuves et un
calage d'allumage revu à la hausse du côté avance.
Vers 13 heures, le départ vers Londres est enfin "officiel". Notre
" gros père " de 88 ans ne faillira plus. Il retrouvera même des ailes. Après avoir desserré légèrement le bandage de
frein arrière gauche qui chauffait, sa vitesse de croisière sur plat est maintenant de 35 km/h. Certes, les
hauts de côte se franchissent à peu près deux fois moins vite, mais les bornes kilométriques s'égrainent doucement mais
sûrement. Nort sur Erdre, Joué, Chateaubriant ; Alfred et Dominique se partagent même les commandes. L'un au
volant l'autre jouant sur la manette des gaz.
Dieu! Que la france est belle en De Dion Bouton 1914!
La première étape est à Servon en Ile et Vilaine. L'heure d'un premier bilan. "Malgré notre retard, nous sommes
encore dans les temps pour prendre le ferry à St Malo". Prudent, Dominique avait pris des jours en réserve pour les
billets de la traversée maritime. Quant à notre brave De Dion, toutes les injures non formulées à son égard ces derniers
jours, se sont transformées en éloges. "Il n'a jamais roulé aussi bien". La consommation s'en ressent puisqu'elle
n'est que de 45 litres au lieu des 60 attendus. Bravo à Alfred pour son réglage d'allumage inadapté depuis bien
des années...
A nous les petites (routes) anglaises !!!
La route de Dol jusqu'à St Malô n'est qu'une formalité pour nos trois compères de plus en plus complices, bercés par
les vibrations et le bruit amplifié par la résonance de la caisse. "On en attrape des fourmis dans les mains. On dort
bien le soir !". C'est lors des premiers pas et tours de roues sur le sol anglais qu'ils se rendent définitivement
compte qu'ils sont vraiment partis. " De Dion " doit rouler à gauche, Dominique et Alfred doivent se mettre à
la langue de Shakespeare. Il est 9 heures du matin, nous sommes à Portsmouth. 140 km les séparent de Londres. 10 heures,
"English Breakfast" et étonnement de quelques clients. Après cette immersion totale dans un autre monde, la capitale
sera atteinte à 15 h 45 non sans quelques appréhensions face à la circulation plutôt dense. "Dans les ronds-points
nous tournons le volant à deux". La direction assistée sera pour beaucoup plus tard.
L'extase
Le 41 ème "Londres to Brighton run", objet du voyage est au bout des efforts. Seule française, notre équipe l'effectue sans encombre face à une certaine indifférence des anglais participants. Que Neni, fois gras poêlé,
saumon fumé et champagne les attendent sur la ligne d'arrivée. Ah c'est Français !!!
Faut s'en retourner
C'est dans un état second, la tête remplie de souvenirs impérissables que les Bleuets Givrés effectueront leur retour
sur Nantes. Ceci explique probablement cet ultime petit incident : "Sur la route côtière entre Brighton et Portsmouth,
le moteur s'est mis à tousser" inquiétude puis retour sur terre immédiat ! "On a oublié de faire le plein avant de
partir !!". Le réservoir de 80 litres est vide, Dominique saute sur le bidon de secours (40 litres au total) et au fur
et à mesure que le doux breuvage remplit le réservoir, le moteur qui tousse toujours reprend tranquillement ses tours.
Soulagés et entièrement confiants, ils n'auront pas d'autres inquiétudes. Mais ils feront de multiples rencontres comme
cet ancien combattant se pressant pour aller revêtir ses médailles pour LA photo souvenir au pied du De Dion. Les
décorations étaient pour une autre guerre, mais qu'importe…
Les Bleuets givrés
Sous cette appellation se cachent deux hommes.
Dominique Bleunven, propriétaire du De Dion Bouton FR. Il est un inconditionnel de la marque de Puteaux.
Alfred Pirois, 59 ans, est un véritable passionné et possède aussi plusieurs véhicules de collection. Il a rencontré
Dominique à l'occasion de plusieurs rallyes d'ancêtres. Au retour de leur périple, les deux compères auront cette très
belle phrase : " Merci à M. Bouton pour sa conception et ainsi, de nous avoir donné autant de plaisir.On souhaite à
d'autres passionnés de vivre le même rêve que nous "
Pour ce grand moment de bonheur, ils tiennent à remercier tout particulièrement, leurs épouses respectives,
Sylvie , Régis de St Malo et Pascal de Londres.
Radiateur Solex.
1905, Maurice Goudard et Marcel Mennesson obtiennent leur diplôme de l'Ecole Centrale Paris. Ils n'ont pas attendu
cette échéance pour s'intéresser de très prêt à la locomotion en pleine expansion.
Encore étudiants, ils inventent et mettent au point un système de refroidissement pour automobile. Le radiateur
centrifuge est né, mais sa forme ronde, liée directement à son principe de fonctionnement ne plait pas aux constructeurs
automobiles. Chacun a déjà son image de marque à défendre. Image de marque qui est alors indissociable de la calandre… et du radiateur.
Pourtant, la Compagnie Générale des Omnibus lance un concours en 1909. Il s'agit d'équiper la flotte d'autobus
parisien dont le réseau s'installe petit à petit. Goudard et Menneson, et leur nouvelle entreprise " Solex ",
sont consultés. Les essais sont rudes, mais le radiateur centrifuge tient bon. Il équipera finalement 400 châssis sur
base Schneider, mais aussi De Dion Bouton.
Il est donc naturel que l'usine de Puteaux ait équipé notre " FR " du même type de radiateur.
Lorsque le régime moteur de vient trop important, la vitesse de l'eau est augmentée, et une valve régulatrice agit
directement sur la commande du papillon des gaz pour ralentir le moteur. Plutôt ingénieux !
Fiche technique
DE DION BOUTON type FR 1914
Longueur : 6 m
Hauteur : 3,75 m
Largeur : 1,90 m
Poids : 2 Tonnes 5
Charge utile : 3 Tonnes 5
Moteur : 4cylindres bibloc de 4.4 litres
Puissance : 25 CV
Boîte : 4 vitesses + marche arrière
Vitesse maxi : 30 km/h environ
Allumage : magnéto Victrix
Refroidissement : liquide par thermosiphon et radiateur centrifuge Solex
Roues à bandage plein.
Freins à bandages uniquement sur les roues arrière.
Photos souvenir du Londres to Brighton run
(5 mai 2002)
Le but du voyage de nos Bleuets Givrés était de participer à l'événement incontournable qu'est le 41 ème Londres to Brighton run. Pas moins de 15 catégories pour quelques 216 camions inscrits. Un voyage dans le temps de 1913 à 1970.
Corr. Sylvie et Franck Méneret
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