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Un Taxi pour Tobrouk

ou comment résoudre une vieille énigme

affiche

Après « Le salaire de la peur », « Un taxi pour Tobrouk » : un autre chef d'oeuvre du cinéma sorti en 1960 dont la vedette (pour nous collectionneurs) est incontestablement l' étrange véhicule que nombre d'amateurs ont essayé d'identifier sans jamais y parvenir.  Cette énigme est enfin résolue, ceci grâce à une patiente et minutieuse enquête à laquelle mon ami Serge Levy a largement contribué.  Mais avant d' en venir à la clef de l' énigme, rappelons un peu la petite et la grande histoire derrière ce film.

carte

En Libye, les Britanniques voulaient empêcher les Italiens et les Allemands de s'emparer de Tobrouk qui disposait d'un port, le seul en eau profonde entre l' Égypte et la Tunisie, et d'une station d'épuration d'eau. Tobrouk est donc stratégique pour l' Italie et le Royaume-Uni qui y ont une frontière commune. En effet la Libye est une colonie italienne et l' Égypte un protectorat britannique qui leur étaient nécessaires pour la poursuite de la guerre en Libye. Le film se situe donc dans ce contexte . En octobre 1942 en Libye, un groupe de volontaires français attaque un camp allemand. Au cours du combat, le lieutenant trouve la mort. Restent 4 hommes qui cherchent à rejoindre El Alamein. Ils fuient à bord d’un Dodge, mais sont victimes d’une attaque aérienne. Contraints de marcher sous le soleil brûlant du désert, ils tombent sur une patrouille allemande. A l’issu d’une attaque surprise, il reste un prisonnier dont il faudra bien s’accommoder pour la suite du voyage. Le film fait totalement illusion.  L'intrigue est simple mais les ressorts en sont très forts : une poignée de gens ordinaires embarqués dans cette surréaliste aventure qu'est la guerre et perdus en plein désert de surcroît.  Il ne fait pas de doute que dès la première image on est déjà assis dans le taxi avec eux.  Et pourtant, les talents combinés d' Audiard pour les dialogues, de Denys de la Patellière pour la mise en scène et de Lino Ventura, Charles Aznavour, Maurice Biraud et Hardy Krüger font bel et bien un écran de fumée pour cacher la misère du tournage.  Premier écueil : le tournage avait d'abord été envisagé en Algérie, mais les événements sur place conduisirent les assureurs à lâcher la production.  Il fallait donc "trouver un désert en Europe" pour pouvoir réaliser le film.  C'est la toute petite zone désertique d' Almeria, en Espagne, qui fut retenue pour sa ressemblance avec les dunes libyennes.  C’est d’ailleurs dans ce même désert d’Andalousie que seront tournés plus tard nombre de westerns « spaghetti ». Mais la zone est si limitée qu'il fallut savamment varier tous les plans pour donner l'illusion d'un grand voyage dans le désert libyen alors qu'il n'y avait que quelques dunes à filmer.

vehicule

Par ailleurs, c'est un film dans lequel personne ne croyait et les producteurs réservaient les budgets pour d'autres, jugés plus porteurs.  Frappé d'indigence, il fallu faire feu de tout bois pour mener à bien l'entreprise.  Ainsi fallut-il se résoudre à suggérer la formidable armée de Rommel avec seulement une poignée de camions repeints à la hâte car c'étaient des camions de livraison de fruits et légumes.  Pour donner une apparence plus spectaculaire à cette maigre armada, une idée de génie fut mise à l'oeuvre : répandre des sacs de ciment sur la piste pour soulever beaucoup de poussière.  Les blindés sont encore une autre histoire.  Tous les soutiens ayant fait défaut, il 1fallut se résoudre à habiller de plaques de contre-plaqué ce qu'on avait sous la main.  Un vieux GMC ACKW à ponts banjo et quelques chenillés agricoles passaient par là : en deux coups de scie sauteuse ils furent transformés en redoutables blindés de Rommel !  De même, pour la scène de l'attaque aérienne, aucun avion allemand n'ayant pu être trouvé, c'est un Spitfire anglais orné d'une croix gammée qui fait quelques passages.  Il faut dire qu' avec la vitesse de l'avion, le spectateur n'a pas le temps de se rendre compte du subterfuge.  Dans cette déconfiture, il reste quand même quelques véhicules authentiques.  Surtout, par un étrange coup du destin, il se trouve que certains de ces vieux camions repeints semblent être des camions italiens, puissance de l'Axe s'il est besoin de le rappeler.

Ford Canada Dodge 3 camions

On voit déjà ces camions au tout début du film, notamment ce qui semble bien être un bel International K7.

Dodge

Les compères s'échappent à bord d'un Dodge jusqu’à trouver le fameux taxi. Ce Dodge pourrait être un D15 tel qu’il y en avait en Libye, mais il ne possède pas le caractéristique 'push-bar' qui signe les camions canadiens, ni les petits feux sur les ailes. De plus, il est à conduite à gauche. Par contre Dodge a construit aux USA des camionnettes et des vans reprenant cette forme et il s'agit probablement d'un tel engin, modifié.

land modif

La dizaine de véhicules devant donner l'illusion de 500, on voit toujours les mêmes.  Très peu auront remarqué d’ailleurs que lorsqu'on découvre le fameux taxi pour la première fois, on l' a en fait déjà vu très fugitivement au tout début du film. Alors, quel est donc ce véhicule qui devient vite le personnage central du film ?  L'élément le plus caractéristique est son capot mais aussi son 'push-bar' : on croit donc avoir identifié sur le coup un Morris Commercial anglais.  C'est un capot qui ressemble fort, et les supports du 'push-bar' proviennent bien d’un Morris Commercial, mais de toute façon le reste ne colle pas.  La conduite est à gauche, le tableau de bord n'a rien à voir, les roues non plus, le pot d’échappement est des plus bizarres, pour ne pas parler du radiateur...

Mais quel est donc cet étrange animal ? Le « taxi » et un Morris Commercial CS8 4x2.

Morris Commercial CS8 4x2
à suivre...
Photos textes et mise en page de Eric Dupuy
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