Dans un précédent numéro, nous nous sommes attachés à fournir un maximum de renseignements sur les camions du "Salaire de la Peur". Certaines questions n' auront probablement jamais de réponse, notamment concernant ce qu'est devenu le beau Dodge T110. La question du White 666 (ou Brockway?) ne se pose plus puisqu'il a malheureusement été sacrifié au tournage. Le Dodge à sûrement été revendu, mais à qui ? Il avait en effet une valeur marchande puisqu'on voit dans le film que son compteur n'était qu' à 18538 miles.
Reste une question à laquelle on peut répondre : la couleur des camions. Une version colorisée du film existe en effet. Quelle confiance peut-on faire à cette colorisation ?
Il faut savoir que passer d'un film couleur à un film noir et blanc ne pose aucun problème technique car à chaque couleur correspond une luminosité donnée à laquelle on peut d'ailleurs accéder par une formulation mathématique. Le procédé peut donc être automatisé par l'informatique. Malheureusement, la réversibilité n'existe pas : il est mathématiquement impossible de convertir une intensité lumineuse en une couleur. A une intensité lumineuse donnée correspond un très grand nombre de couleurs possibles. Alors comment font-ils donc et que peut-on penser de la fidélité des couleurs restituées ?
Il n'y a pas d'autre solution que de retrouver en premier lieu, au mieux, les couleurs pour chaque plan. C'est alors une véritable enquête à laquelle il faut se livrer : photographies du tournage, discussions avec des personnes ayant participé au tournage, retour sur les lieux du tournage pour les éléments du paysage. Quand ces informations sont rassemblées, la colorisation peut commencer en déclarant manuellement à l'ordinateur les couleurs par grandes zones. L'ordinateur se débrouille ensuite pour calculer les nuances à partir de la teinte de base déclarée et en fonction de la luminosité, des ombres, etc… qu'il analyse sur le film noir et blanc image par image. Il y a donc un énorme travail manuel et beaucoup de temps de calcul par la machine. Le résultat est spectaculaire et plaisant à l'œil. Quelle vérité peut-on en tirer ? Probablement quelque chose d'assez approchant mais qui est sans aucune garantie car, quand l'enquête initiale n'aboutit pas (pas de photos du tournage, pas de survivant du tournage), c'est au graphiste d'inventer ce qui peut être réaliste compte-tenu du lieu et de l'époque. On peut penser que ces éléments ont pu être rassemblés pour le Salaire de la Peur, finalement pas si ancien que ça et fait par un grand metteur en scène, donc sûrement documenté au niveau du tournage. Si rien n'a été retrouvé, alors le graphiste a décidé que le camion sombre devait être vert bouteille, couleur classique à l'époque, et le camion clair, gris souris, tout aussi classique (mais ils pouvaient alors aussi bien être bordeaux et crème !)
Voici donc la restitution qui nous en est proposée dans le film colorisé. On remarquera en particulier la belle caisse en bois brut du 6x6 :
Une enquète de Pierre Phliponneau, images tirées du film.