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FORD CANADA C 598T

OPERATION A COEUR OUVERT !!!

suivit des secrets de la restoration


Le docteur Pierre phliponeau, a eu l'aimabilité de nous faire assister à une de ses opérations les plus délicates!!!

Bonjour les amis !

Je vous propose ci-après un article relatant les événements (planétaires!) du week-end dernier. A vous de juger de l'intérêt. Je ne serais vraiment pas vexé si vous trouviez ça nul ! (tout le monde ne peut comprendre)

cageots.jpgLa salle d'opération n'était pas très propre, mais le patient n'était pas très exigeant non plus. L'équipe médicale n'était pas en blanc, mais en bleus. Les ordres fusaient : clé de 3/8, tournevis, pince becs ronds... La balladeuse éclairait chichement le lieu de cette fébrile concentration. La tension montait : une première tentative au défibrillateur n'avait déjà rien donné la semaine précédente (Eh, oui, le patient était coriace!). Après avoir renettoyé les viscères au diluant à peinture, une nouvelle tentative est faite au défibrillateur : surprise, il saute, il tressaille, il tousse... Va-t-il revenir à la vie ?

L'équipe médicale, encouragée par ces modestes signes, redouble d'activité : combien de volts ici ? Et là ? Et sa bobine ! Tu as vu sa bobine au patient ?... On resserre quelques cosses et on retente le défibrillateur. Des étincelles dans la cervelle, c'est bon signe. Il faut dire que le patient est malaisé : né sous le signe du crabe, il a son allumeur à 8 pattes en bout d'arbre. Pour l'opérer du cœur, il faut d'abord retirer les poumons : le radiateur est donc par terre. Pas très efficace pour refroidir, si ça veut bien démarrer. Mais on s'acharne. Il tousse encore un peu, une main s'active sur le carburateur, le démarreur chauffe, mais on s'obstine. On entend des pschitt et des gargouillis d'essence encourageants au carburateur. C'est alors que, soudainement, après tous ces bruits incongrus, Mozart entre au bloc opératoire : on entend la douce mélodie du V8 réveillé, qui est reparti !

Divine surprise : il tourne comme s'il sortait de révision. C'est pourtant, et c'est là la chute de l'histoire, la fin d'un sommeil de 50 ans exactement pour ce moteur. La mélodie ne durera qu'une minute car il n'y a pas de radiateur. La prochaine fois, je remonterai le radiateur et je le remettrai en route quelques minutes pour pouvoir vidanger l'huile bien chaude. Elle est toute neuve, mais je suis pas arrivé jusque là pour économiser 3 francs 6 sous. Une première vidange sera donc immédiate.

Ce Ford Canada, un C598T, avait été remisé dans un fond d'atelier des Ardennes en 1953... Il lui aura fallu attendre 2001 pour commencer sa ressuscitation, avec un objectif prioritaire : lui refaire son train de roulement pour pouvoir le tirer en cas de nécessité. Ce n'est donc qu'en 2002/2003 que petit à petit j'ai préparé le moteur en vue d'une remise en route.

Mon expérience en matière d'allumage commençant à peu près avec ce camion, j'étais presque arrivé seul au bout de la route, mais pas tout à fait quand même. Il a fallu la compétences décisive de quelques bonnes fées pour parvenir à ce tournant, si décisif dans la vie d'une épave. Jean-Marie Deneux n'en était manifestement pas à son premier allumeur quand il s'est attelé à celui-là. L'équipe médicale du jour se complétait de quelques amis du MVCG dont la compétence est notoire.

Ce fut donc un de ces jours de triomphe comme on n'en connaît pas tous les jours : non seulement ce camion sur lequel je travaillais seul depuis deux ans venait de franchir une étape décisive et rassurante mais, en plus, cela s'était fait dans une ambiance de véritable amitié.
Bien amicalement
Pierre

Tel est l'émouvant témoignage du docteur Pierre Phliponeau, merci docteur!!!

Vous voulez en savoir plus? Ya qu' à demander à Pierre qui se fait un plaisir de nous dévoiler ses secrets.


Les secrets de la "resto"


Il y a quelque temps, j'avais expliqué la ressuscitation de mon petit camion Ford qui, tel la Belle au Bois Dormant, avait sommeillé depuis 1953 dans une grange des Ardennes. J'avais donné un ton médical à l'article, ce qui me vaut depuis le sobriquet de "docteur" ! Je ne sais si Jean-Marie Deneux qui m'avait considérablement aidé durant l'opération (nous y revoilà!) a lui aussi hérité de ce sobriquet…

On m'a demandé la suite de l'histoire, ainsi que quelques précisions sur ce Ford 598T.

D'abord je rappelle que lorsque j'ai acquis ce camion, c'était une première main : Mr Aguilla, négociant en fruits et primeurs, l'avait acheté neuf en 1947. Sa santé déclinant, il avait remisé le camion en 1953. Je l'ai retrouvé comme s'il avait été arrêté la veille, la poussière en plus. Il y avait encore les cageots au nom du négociant dans la benne, ainsi que la grosse bascule de marché. La famille m'a très aimablement communiqué une photo d'époque montrant Mr Aguilla et son camion sur le marché de Vouziers (Ardennes) en 1951. Je m'arrête ici un instant pour préciser que cette anecdote correspond tout à fait à mon esprit de la collection. Le camion en soi est un bel objet, il y a du plaisir à le conduire, mais il trouve sa vraie valeur à mes yeux dans cette filiation que j'ai pu retrouver.

La remise en route du moteur était une étape, décisive, bien sûr, mais sûrement pas le bout de la route. Cette mémorable remise en route s'était faite sur un temps très court. L'allumeur étant en bout d'arbre, on avait procédé avec le radiateur déposé pour y accéder commodément. Après avoir remonté le radiateur et rempli le système, l'excitation d'entendre ce beau V8 tourna court rapidement. C'étaient les chutes du Niagara à gauche et à droite du bloc ! Les deux pompes à eau n'avaient pas supporté la remise en route et le brassage de la rouille et des dépôts. En dépit de beaucoup de recherches, je n'ai pas trouvé de réparateur pour ces pompes. Il faut défaire un sertissage à la presse et, souvent, la fonderie casse. Les mécaniciens ne veulent plus le faire. La chose commençait à sérieusement m'inquiéter quand, sans trop y croire, j'essayais internet.

Aussi surprenant que ça puisse paraître, je trouvai mes pompes en quelques clics de souris, aux Etats-Unis bien sûr. Pas très cher : 70$ la pompe. Mais la douane m'attendait en France, ce qui en a doublé le prix avec l'expédition. Il faut que j'explique aussi le démontage : ça pourrait servir à d'autres, d'autant que ce V8 Ford est un grand classique rencontré sur un tas de véhicules. Ayant démonté les 3 vis du pourtour de chaque pompe, impossible de les désolidariser du bloc ! C'est le genre de chose à n'y rien comprendre : toutes les vis sont enlevées, et pourtant rien ne vient ! Heureusement, un ami qui avait eu le même problème s'en est souvenu et m'a dit "regarde bien, il me semble me souvenir qu'il y a une 4 ème vis de fixation à l'intérieur du tuyau d'aspiration de la pompe". Très vicieux ! Il y avait effectivement, dans l'axe du tuyau, une dernière vis à retirer, tout au fond d'un puits tout noir où elle est parfaitement invisible et où il faut aller la chercher avec une douille et un prolongateur… Ayant remonté mes belles pompes toute neuves "made in USA", arrivait le baptème du feu : il fallait envisager le déménagement de l'association (MVCG) d'Issy les Moulineaux à Satory. 20km, mais tout de même !...

côté Je n'étais pas trop inquiet : tout le train de roulement, la direction et les freins ont été refaits, le moteur tourne bien avec des pompes à eau neuves, une pompe à essence refaite, une dynamo totalement reconditionnée, et un allumage complètement refait. Une petite sortie de test s'imposait quand même. Un bruit très strident, très fort et intermittent se manifesta, juste pour m'inquiéter un peu… Il ne s'agissait que du compteur de vitesse qui avait mal supporté son sommeil de 51 ans ! La pignonnerie n'appréciait pas d'être réveillée au son du cor ! Une fois le câble en provenance de la boîte de vitesse débranché, le calme revint dans la cabine. Evidemment, l'indicateur de vitesse restait maintenant à zéro, mais au vu des folles vitesses atteintes, ça n'était pas trop grave.

Prochaine étape : prendre la route pour monter toute la longue côte depuis les bords de Seine jusqu'à Versailles puis Satory. Et là, je dois dire, le camion fut vraiment sympa avec moi car il n'eut pas le moindre hoquet et me laissa tout le plaisir de la conduite. Et quel plaisir ! Très habitué au spartiate GMC où on se demande si même les pneus ne seraient pas des bandages, le confort du Ford m'a surpris : suspension très souple (pourtant quasiment à vide), direction également, boîte bien étagée, freins efficaces malgré l'absence d'assistance, et la mélodie du V8 en prime…

Une dernière émotion à l'arrivée à Satory : en manoeuvrant pour le placer dans le garage, je l'ai fait caler (Eh, oui, ça arrive aussi à des gens très biens!). Impossible de le remettre en route. Comme toujours en pareil cas, on remonte toute la chaîne : allumage ? oui… Arrivée d'essence ? oui… C'est bien ça, c'est le carburateur ! Comme quoi la moindre négligence n'est pas pardonnée. Le réservoir étant très sale, je ne l'ai jamais utilisé, ça reste encore aujourd'hui à faire. Le camion fonctionne sur un tuyau de caoutchouc aboutissant dans un jerrycan plastique tout neuf. Par ailleurs, la pompe à essence a été refaite complètement. intérieur Ma seule négligence dans cette chaîne avait été de ne pas démonter et nettoyer le carburateur. é. En statique dans le garage, ou sur un court parcours pas trop chahuté, ça pouvait fonctionner. Le soubresaut quand le camion a calé a suffit à remettre le dépôt en suspension et à boucher ce carburateur. Depuis, il a été nettoyé et le camion fonctionne parfaitement. Il reste donc à lui refaire son vrai réservoir d'essence, et toute l'électricitLes clignotants ne fonctionnent plus et, si le reste fonctionne bien, c'est du vieux fil coton d'époque, en 6V (donc avec des intensités assez forte et des risques d'incendie non négligeables).

Pour les puristes, ce camion est donc un Ford Canada C 598 T, construit dans l'Ontario en 1947. Son moteur est le classique V8 Ford de 3,9 litres de cylindrée et de 95cv.

Son équipement est ce qu'on appelle "stack and plateform", c’est à dire un plateau métallique avec des ridelles bois, et tout est d’époque. Il a un poids à vide de 3,5t.

Il porte par ailleurs les stigmates de la production de l'immédiat après-guerre : certains détails relèvent de la production militaire, comme par exemple son pare-choc avant prévu pour le montage d'une "push bar", très classique sur tous les camions canadiens produits durant la guerre.

Texte de Pierre phliponeau.
Photos de Eric Dupuy

CARACTERISTIQUES TECHNIQUES du Ford Canada C 598T

CONSTRUCTEURFord, Canada, Ontario
TYPEC 598T
ANNÉE 1947
AMÉNAGEMENTPorteur plateau
DIMENSIONSlongueur mètres
largeur mètres
surface mètres carrés
POIDS à vide1,78 tonnes
total en charge3,5 tonnes
remorquable tonnes
COULEURvert armée
MOTEUR8 cylindres en V
Cylindrée3,9 Litres
Puissance95 chevaux
ESSIEU 2
ROUES 2 à l'avant,
2 jumelées à l'arrière

Ce véhicule a été vendu en 2008, il est parti aux Pays-Bas.

Photos textes et mise en page de Eric Dupuy
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